Avez-vous déjà observé quelqu’un en planche à neige ? Si vous êtes vous-même adepte de ce sport, vous êtes déjà familier avec la technique ; nous maintenons l’équilibre grâce à un mouvement dynamique servant à transférer le poids du corps entre les talons et l’avant des pieds, dans un doux bercement de va-et-vient. Ce faisant, la planche bascule de la lame externe vers la lame interne, créant un mouvement de slalom fluide qui revient régulièrement vers le centre de sa trajectoire. Pour moi, la quête d’équilibre dans notre vie s’apparente à une descente en planche à neige. Lorsque nous sillonnons une piste, nous sommes en constant réajustement. Nous dévions du centre dans une direction, y revenons pour dévier dans l’autre direction. Il importe de se repositionner constamment, en fonction des obstacles, de l’environnement et d’une panoplie d’autres paramètres.
Stabilité et équilibre
Distinguons la « stabilité » de « l’équilibre ». La « stabilité » correspond à quelque chose de statique, voire rigide. Il y a une absence de variation. En revanche, « l’équilibre » se définit comme étant une « juste proportion entre des éléments opposés, d’où résulte un état d’harmonie » (dictionnaire Larousse). Revenons à notre planche à neige. Si nous nous positionnons à plat, statique sur notre planche, nous sommes rapidement confrontés à l’inévitable : nous chutons face première et nous retrouvons les pieds en l’air. Le mouvement dynamique est nécessaire pour optimiser nos chances de vivre une expérience agréable. Une certaine souplesse et de la fluidité sont requises. Chaque déviation dans une direction est contrebalancée par une déviation dans l’autre direction, ce qui nous permet de maintenir notre trajectoire vers le bas de la pente. C’est la juste proportion entre ces écarts qui fait que l’on conserve l’équilibre. Néanmoins, une déviation excessive est tout aussi nuisible. Dévier dans une direction sans nous repositionner adéquatement vers le centre nous mènera droit vers un précipice… ou un arbre. Dans la vie, c’est similaire. Nous avons déjà établi que vivre de manière trop rigide ne nous sera pas salutaire, mais vivre de manière excessive, en négligeant certains besoins et certaines sphères de vie, non plus.
La présence attentive
Cultiver la présence attentive, l’écoute de soi et la bienveillance nous permet d’être à l’affut des signaux qui nous informent d’un débalancement. Nous pouvons alors nous réajuster et assurer un équilibre relatif. En étant attentifs aux besoins de notre corps et de notre esprit, nous nous familiarisons avec ses nécessités, ses limites et ses automatismes. Nouspouvons alors découvrir notre « recette » favorisant l’équilibre. Sachez toutefois que celle-ci risque d’être différente demain ou dans un mois, en fonction d’une multitude de facteurs qui changent dans le temps : niveau d’énergie, température, saisons, hormones, présence de différentes sources de stress ou d’éléments qui sollicitent notre attention, charge émotionnelle, etc. J’ai donc sans doute peu besoin d’insister sur le fait qu’il est inutile et dommageable de se comparer… autant aux autres qu’à une version antérieure de nous-mêmes.
Tout comme en planche à neige, il y a des moments et des circonstances de vie qui font en sorte que nous soyons disposés à prendre de la vitesse. À d’autres moments, nous ressentons la pulsion de ralentir. Il nous arrive également d’avoir besoin de prendre une pause dans un chalet hivernal métaphorique : faire ce qu’il faut pour nous ressourcer, nous recueillir, nous réapprovisionner en vue des prochaines descentes. Parfois, notre slalom est plus large. Parfois plus serré. Se réajuster en fonction de signaux de notre organisme contribue au maintien d’une harmonie intérieure, de l’homéostasie. Être à l’écoute de nos besoins contribue à éviter les chutes, les blessures et l’épuisement.
Homéostasie
L’homéostasie fait référence aux processus automatiques du corps qui contribuent à préserver un certain équilibre physiologique. Cherchant toujours à atteindre un meilleur équilibre, les fonctions de notre corps sont dynamiques et se réajustent constamment (par exemple, le rythme cardiaque, la pression sanguine, la température corporelle, le sommeil, la digestion). Lorsqu’une fonction de l’organisme est trop déstabilisée, les procédés d’homéostasie pousseront le corps à chercher naturellement à compenser pour revenir à un équilibre confortable et fonctionnel.
La respiration est un bon exemple du dynamisme de l’équilibre. Si nous ne faisions qu’inspirer, nous nous retrouverions rapidement en état d’hyperventilation. Si nous ne faisions qu’expirer, nous subirions les conséquences d’une désaturation rapide du taux d’oxygène dans le sang. L’équilibre s’installe dans la juste proportion entre nos inspirations et nos expirations. Les procédés homéostatiques du corps s’organisent afin que nous inspirions et que nous expirions dans une proportion relativement équitable, et ce, sans avoir à y penser consciemment. Ainsi, si un besoin ce manifeste en vous, il y a une raison !
Résistance aux besoins
Grâce aux principes d’homéostasie et de résilience, nous possédons tous une fenêtre de tolérance au stress qui nous permet de bien gérer un certain niveau de déstabilisation et de rebondir efficacement, sans en être trop affectés. Il nous arrive de vouloir résister à ces fluctuations pour une multitude de raisons. Parfois, notre tête insiste pour que nous finissions une tâche malgré un besoin manifeste de repos. Il nous arrive de nous critiquer (« Je ne devrais pas me sentir comme ça ! ») ou de nous comparer à d’autres gens. Nous perdons donc facilement de vue les indicateurs qui pourraient autrement nous guider. Nous résistons à nos besoins et nous poussons au-delà de nos limites. Nous ignorons les signaux physiques et psychologiques qui nous informent d’un débalancement. Le prix à payer est alors non négligeable. Cette résistance provoque typiquement une amplification du retour du balancier, ce qui affecte négativement notre niveau de fonctionnement. C’est en partie ce qui se produit lorsque nous vivons un épuisement chronique (burnout professionnel, parental, étudiant, émotionnel, etc.). Plusieurs relatent que les signaux de déséquilibre avaient commencé à faire surface plusieurs mois avant l’épuisement, voire des années. Le corps tente tant bien que mal de s’adapter et de persévérer. Les signaux se multiplient et l’épuisement s’amplifie jusqu’à ce que nous nous heurtions à un mur : à un certain moment, le corps décide, pour nous, qu’il est temps d’arrêter et de revenir à la base. Se rétablir réellement d’un tel épuisement est alors très long ; la période de rétablissement se compte généralement en mois et parfois, en années.
Je vous invite donc à considérer votre corps comme un précieux allier plutôt qu’un ennemi qui vous limite dans vos ambitions. Familiarisez-vous avec sa façon de vous communiquer ces signaux de bien-être et de déséquilibre. Travaillez de pair avec lui pour optimiser l’équilibre. Ensemble, vous jouirez de descentes considérablement plus douces, agréables et harmonieuses sur les pentes de la vie.
Par Isabelle Soucy, psychologue et collaboratrice au infusemagazine.ca